Soda bread ou wheaten bread irlandais
dense croustillant croquant moelleux boisé
"La surface du pain
est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi
panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition
sous la main les Alpes, le Taurus ou la cordillère des Andes.
Ainsi donc une masse
amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four
stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes,
ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement
articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche
ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.
Ce lâche et froid
sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des
éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises
soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces
fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les
unes des autres, et la masse en devient friable…
Mais brisons-la : car le
pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de
consommation."
Francis Ponge, "Le
pain", Le Parti pris des choses, 1942
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J'aime le pain. J'aime son odeur qui se balade dans la rue les jours de pluie. J'aime son parfum lorsqu'il vient de sortir du four, qu'il est encore chaud. J'aime les couleurs dorées de sa croûte bien cuite, ses nuances, sa beauté. J'aime écouter la musique de sa croûte, les chuchotis de sa mie. J'aime quand sa croûte croustille ou croque sous la dent et tranche avec le fondant de sa mie alvéolée. J'aime sentir le pain, le voir, l'entendre, le toucher, le goûter.
J'aime le pain et j'admire les artisans boulangers, les vrais, les maîtres. J'aime aller dans ma petite boulangerie à moi, celle sur la place à deux pas de mon toit, installée à côté de cette épicerie qui vend du fromage de saison, à l'ombre de l'église. Que le soleil réchauffe mon cœur ou que le froid fâche mon humeur, j'aime attendre mon tour à l'extérieur de la boulangerie alors que certains de ses amoureux sont arrivés avant moi, parfois même leur chemin est bien plus long que le mien. J'aime entrer dans ce lieu où le temps s'arrête, où les arômes de fruits secs, de beurre ou encore de châtaigne embaument l'air, vos narines et vos poumons, où les confitures, les biscuits, les différents pains, pâtisseries et viennoiseries font rêver vos papilles. J'aime leur simplicité restée même avec l'arrivée du col bleu blanc rouge il y a plus de vingt ans, j'aime leur gentillesse, leur authenticité et leur sincérité, qui se retrouvent dans leur travail, leur passion, leurs produits, qu'ils aiment et chérissent. J'aime ma petite boulangerie.
Parfois, heureusement, ma petite boulangerie et son équipe se reposent. C'est le moment où l'irish soda bread trouve sa place dans mon foyer. Parce que le pain, j'aime parfois aussi le confectionner. Doté d'un fort caractère, le soda bread irlandais est d'une simplicité et d'une sincérité étonnantes. Ni levure, ni levain, ni pétrissage, ni levée. Farine, lait ribot, bicarbonate de sodium, sel. Un bref mélange, un façonnage sommaire, une croix à la grigne pour, relate-t-on, faire fuir le diable, une mise au four. Une pincée de patience pendant que le pain lève grâce à l'union du bicarbonate et du lait ribot... Dégustation... Appréciation. C'est tout.
Sa croquante croûte et sa mie, dense et moelleuse à la fois, ont de quoi vous dorloter. Régalez-vous en le jour même, avec du sucré comme du salé. Ici, on le préfère bien grillé, avec du beurre aux cristaux de sel et de la confiture.